Le Theatre comique

[...] il m'apparaît qu'il y a autant de règles pour mener à bien une comédie que de mots qui la composent. se désole Lelio, le poète laborieux et malheureux du Théâtre comique. Et tant mieux, semble se réjouir le facétieux Carlo Goldoni, qui s'invite dans sa propre pièce en auteur qui doute, qui se trompe facilement, comme le souligne son double, le chef de troupe Orazio, mais qui ne renonce jamais à chercher la via media, la voie la plus souple et la plus sûre pour atteindre cet idéal théâtral de vraisemblance et d'imitation de la nature et de sa mare magnum, mouvante et insaisissable. Et c'est poco a poco, comme il convient selon Orazio, de présenter aux spectateurs les personnages et l'intrigue, que Carlo Goldoni diffuse allegreto une véritable poétique du théâtre, à la fois érudite et suffisamment éprouvée par la pratique pour s'affranchir des dogmes, à la fois soucieuse de plaire au public et attentive à le guider vers le goût de ce qu'il ne connaît pas encore, une poétique en action qui n'entend pas trancher entre les facéties improvisées et pourtant codifiées de la commedia dell'arte, les concettis artificiels et les tirades écrites, mais qui s'efforce d'adapter en permanence la forme à l'impermanence de la vie. La lecture de La Locandiera, pièce parue trois ans après Le Théâtre comique, offre alors une brillante illustration de ces aspects théoriques. Tout le fil de l'intrigue est orienté vers la découverte patiente et progressive, poco a poco, du personnage de Mirandolina, l'aubergiste envoûtante, qui entraîne dans ses filets aussi bien les hommes que les lecteurs. Dans ce personnage féminin d'une rare complexité, épris de liberté mais soucieux d'attirer les regards, le lecteur averti pourra voir une parfaite allégorie du théâtre, surtout lorsqu'il feint de ne pas savoir feindre !Ces deux pièces, traduites avec talent et vivacité par l'auteur Emmanuel Tugny, se lisent plaisamment comme un concentré d'une histoire de l'art dramatique forcément et pour toujours en mouvement et à la recherche de sa propre essence. Solenn Hallou, Agrégée de l'Université. Directrice littéraire d'EEEOYS EDITIONS.