Je suis comme tous les hommes

Je suis comme tous les hommes. J'aime le café serré, le foot et les blondes. Tous les dimanches, je me réveille une fille différente dans les bras en prenant soin de garder une barbe de trois jours. Je vis la vie vibrante de tous les mâles de ma génération qui n'ont pas encore la corde au cou. Je mange mal, bois trop et dors peu. Je fais le tour du cadran avec ma montre en acier et joue le romantique à la terrasse des cafés bobos de Paris. Je n'écoute jamais mais fais mine de comprendre. J'aime qu'on me voit mais déteste regarder. Je ne mange pas de bonbons mais garde des chewing-gums dans la poche. Je ne me coiffe jamais mais tous mes costumes sont italiens. Je n'aime pas les cyclistes et je prends un taxi pour faire cinq cents mètres. Je parle en citations mais je ne les pense pas. J'éprouve un plaisir inconditionnel à faire crier les feuilles tombées des arbres à l'automne et je hais les lumières blanches des réverbères. J'ai un écran plat qui prend tout le mur de ma chambre mais toujours pas d'ouvre-boîte. Mon frigo est une annexe du rayon boissons du supermarché de la rue parallèle. Je vois plus souvent le livreur de sushi que ma propre mère et j'ai perdu sept fois mes clefs en neuf mois à peine. J'ai une nièce à qui j'achète une Barbie à Noël, une Barbie pour son anniversaire et un Ken pour les vacances. J'ai quatre pots de gel, deux déodorants et huit parfums mais pas de crème pour douleurs musculaires. Les cols de mes chemises sont à motifs traces de rouges à lèvres et la porte de mon placard est constamment ouverte. Mon portable contient plus de deux cents messages qui me demandent pourquoi je n'ai jamais rappelé. Mes lunettes cachent mes cernes et ma bouche porte les marques de mon incroyable tableau de chasse. Je suis comme tous les hommes.